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Video: "Mâkhi Xenakis au domaine de Chaumont sur Loire" 2017
“Ils traversent ainsi un noir illimité…” avertissait Baudelaire dans son poème “Les Aveugles” (1857). Sommes-nous ces aveugles infinis devant les pastels de Mâkhi Xenakis ? Là où, sur la feuille blanche, par un patient travail à la gomme, illimité est le noir tendre et laiteux qui s’épand en formes palpables et inconnues. Là où, sur la feuille calque, soudain recouverte à satiété, illimité est le rose, le pourpre ou le bleu charnel et modulé qui s’éclot en formes suaves et indéfinies. Les pastels de Xenakis sont des corps et des lieux, sont des bruissements tactiles et des organes de vie recouvrant la béance du vide, le blanc aveugle où l’absent s’est réfugié, où le silence s’est enfoui, où le chaos s’est tapi. Ces pastels profus, sériels sont des pièges voluptueux du regard et de notre doute, des jardins des délices de notre désir inquiet, où la larme minérale épouse la coque végétale, où la pulpe animale s’accouple à la langue florale. Où les alvéoles marines nous appellent vers l’abysse originel, celui de la naissance de soi, celui de la naissance du monde. Notre regard s’absorbe et se répand ainsi au contact de la consistance sensuelle du pastel, dans sa pulsion et ses rétractations, dans sa densité inextinguible et ses tensions mouvantes, jusqu’à rejoindre le lieu vibrant d’une lumière, estompant les peurs. Là, à un lieu du dessin pastel, le blanc se dénude telle une trombe de vie retrouvée, tel un col de lumière, oculus béant, ouvert, au cœur du maelstrom d’ombres et d’éclosions éphémères. Ces pastels sont des refuges de vie… Marjorie Micucci 2017.texte réalisé pour l'exposition au Domaine de Chaumont sur Loire.