"La Chose"
Pastel découpé sur papier velours et carton-plume, plumes de cygne. 5m 60. 2013. Conçu pour l’exposition « L’être –lieu » Arras.
Au départ, Il y eu la présence douce et déterminée de Pascaline Dron et de Grégory Fénoglio qui m‘introduisirent dans cette aventure. Il y avait « l’être lieu », cet ancien entrepôt : Lieu de passage, immense, lumineux. Il y avait aussi le thème de l’exposition : « Incarnation, poils… » Dans lequel il était possible que je m’inscrive. Mais comment montrer une partie de moi, dans ce lieu si peu intime, si immense. Comment trouver une forme, liée au thème de l’exposition sans montrer mon travail habituel…
Alors, je me suis laissée imprégner par le lieu et ai proposé à mon instinct de prendre les commandes.
Le temps dans la création n'est pas seulement ce furtif instant où l’on sait et où tout arrive. Il y a aussi ce temps redouté et obligatoire de tous ces jours où rien de bon ne vient, où toutes les formes se dissolvent et où les poubelles se remplissent à ras bord. Plus jamais rien ne viendra, c'est fini, la source est tarie, rien, plus rien. Puis, quand tout semble définitivement perdu, que le monde matériel s'éloigne, s'efface, c’est là qu’il faut retourner à l'atelier, laisser venir la Chose. Surtout ne pas laisser passer ce moment, ne pas renoncer. Savoir se mettre en condition de lâcher prise tout en gardant un lien secret avec le travail de tous les artistes qui ont traversé les siècles avant nous et qui nous ont constitués. Les contours apparaissent, les couleurs s’affirment. La Chose arrive, c'est elle, il n'y en aura pas d'autre. L'énergie est revenue, le ciel et la terre se sont remis à leur place. Il n’y a plus de doutes. Juste l’action et la jubilation de découvrir quelque chose d’inconnu. Cette chose pour l’être lieu de 5m,60 de long s’est construite en quelques jours. Elle n’aura pas d’autre nom que La Chose. Mais une fois terminée, très vite, elle m’est redevenue étrangère. Elle s’est même mise à me faire peur. Alors j’ai quitté l’atelier. Lorsqu’au bout de plusieurs jours, je suis parvenue à y revenir, je me suis mise à la regarder autrement, elle n’était plus indistincte de moi, je parvenais à la voir formellement, de l’extérieur. Mais je ne savais toujours pas quoi en penser même si je savais que ça ne pouvait être qu’elle. Il me fallut attendre l’émotion des visiteurs, face à elle, pour que je puisse de nouveau l’accepter. Mâkhi Xenakis (Texte 2013-2017).